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éditions High Moon
18 février 2023

Chouignerie d'une éditrice arrogante et néanmoins sensible

À tout métier, il faut un apprentissage. Celui d'éditeur.trice passe par l'épreuve de sélectionner les textes et informer les auteur.e.s des refus ou acceptations. Lire en essayant d'être positive, d'abord, afin de n'exclue en première lecture  que ce qui est mauvais ou hors-sujet. Ensuite, relire avec plus d'exigence, en évaluant les textes et notant le ressenti en deux lignes. Puis encore, en se demandant si ce texte et cet autre ne sont pas trop proches pour figurer en un même sommaire. Ajoutons le cas particulier des auteur.e.s ayant envoyé plusieurs textes, carrément cornélien pour l'un d'eux. Regarder à nouveau, avec regret, les textes déjà éliminés, parce qu'il y en a de bonne qualité qui sont hors-sujet. Etc.

Tout cela prend du temps, mais est indispensable.

Écrire aux auteur.e.s acceptés est un plaisir, instant prometteur de nouveaux efforts, mais récompense de ceux traversés.

Écrire aux auteurs refusés est éprouvant. C'est triste, voire angoissant parce qu'on pense à l'auteur.e ouvrant le mail. Il faut être aimable, mais ça restera désagréable. Si le refus comporte un commentaire, celui-ci doit être constructif. S'il n'en comporte pas, cela aura l'air d'un courrier type.  Bref... c'est usant. En plus.... Après avoir cherché les défauts du texte, on est amené à en chercher les mérites, afin de pouvoir dire que tout n'est pas négatif. A essayer de résumer en quelques lignes ce qui aurait occupé une page ou deux lors d'une betalecture. Franchement... faut avoir envie ! Surtout que pour moi, ça ne sert à rien.

C'est juste une perte de temps. Des minutes et heures qui auraient pu se consacrer aux textes acceptés qu'il faut corriger, ou à bien d'autres choses indispensables.

La ponctualité est la politesse des rois, dit-on. Le refus argumenté est possiblement celle des éditeurs.

Vous me taxez d'arrogance et de médiocrité, jeune cavalier.e du clavier. C'est votre droit, et je comprends tout à fait la déception et le ressenti. La réaction, par contre, me paraît inappropriée. Je m'en suis attristée mais n'ai pas réellement été surprise. J'ai déjà côtoyé des auteur.e.s capables de la même chose. J'en ai été terriblement triste, et mon cœur coupable s'est crispé à en faire monter les larmes. 

Cela peut sembler exagéré, mais c'est comme ça. Je suis une grosse sensible qui pleure à la fin des films et ne peut pas dormir si elle a lu le journal avant de se coucher. Devais-je me traiter d'idiote ? M'ordonner d'être plus coriace la prochaine fois ? Ou au contraire de développer ma sensibilité pour être plus diplomate ?

Puis, comme vous me parliez de votre état d'auteur déjà publié.e, j'ai Google votre nom, et trouvé sans peine la page qui vous est consacrée sur le site d'un éditeur. Vous êtes jeune, et avez remporté des prix. Un poème figure sur la page. Il est très bon, rempli de cette même empathie très forte que la nouvelle adressée à l'appel à textes comporte et qui m'a paru maladroitement exploitée.

Un poème n'est pas une nouvelle, surtout s'il tient en une page. C'est un autre genre littéraire à écrire, et une autre démarche éditoriale ensuite. Sur un poème, on peut développer une seule émotion, mais sur une nouvelle, c'est une grosse prise de risque.

Croyez-le ou pas, mais les émotions, c'est ce que je recherche en premier lieu, surtout dans la prose d'un roman ou d'un nouvelle. Je ne suis ni Baudelaire ni Maupassant, mais quand j'écris, ce que je veux atteindre, c'est que le lecteur se sente aux côtés des personnages, voire à l'intérieur d'eux. Je n'y arriverai peut-être jamais, mais d'autres y arrivent et j'espère bien que mon petit convoi accueillera au moins un de ces magiciens.

Guidée par un sentiment de culpabilité, j'ai google et trouvé vos vers. Ils sont meilleurs que la nouvelle que j'ai refusée, mais les lire a changé ce que j'éprouvais. J'ai eu la sensation étrange que vos vers étaient indignes de vous. Ils expriment le genre de sentiments que j'ai envie de publier, mais ne ressemblent pas à une personne qui proteste comme vous l'avez fait. 

J'ai lu ce poème et laissé tomber Google. Ensuite, j'ai marasme un bon moment, a L'idée que d'autres, en lisant leur mail, avaient peut-être reçu un coup de couteau dans le cœur de la muse. J'avais des mails de commentaires à envoyer à des auteur.e.s accepté.e.s, alors je les ai envoyés, constatant au passage qu'il en manque un (oups...). C'étaient les commentaires sur les textes poétiques, les nouvelles n'étant pas encore relues et annotées. Parmi eux (oups encore) j'ai trouvé un texte pourtant refusé, qu'un acte manqué avait placé là. J'ai envoyé à l'auteur tout de même. Après tout, j'espère que ce texte sera proposé à nouveau pour l'appel sur le Handicap (d'où probablement l'erreur de rangement). J'aurais pu m'attaquer à celui que j'avais oublié d'annoter, mais n'en avais pas le cœur.

Pour me changer les idées, j'ai joué au Shogi. Une fois calmée, j'ai soudain repensé à vous et c'était pour vous trouver arrogante. Vous affubler du même épithète que vous m'appliquez. 

Vous êtes jeune et déjà publié.e plusieurs fois. Vous n'avez pas encore grosse expérience des refus, ce qui rendu le refus encore plus dur. Mon commentaire n'était sûrement pas agréable à lire, mais m'écrire sur ce ton pour le dire ne l'était pas plus, et comportait beaucoup plus d'hostilité (excusez ce mot un peu fort). Bref... vous êtes jeune et avez l'arrogance de ceux qui ont débuté dans la lumière.

Croyez-le ou pas, mais j'ai déjà lu des textes d'auteur.e plus jeune que vous et qui étaient meilleurs. Cela non plus, si vous lisez cette page un jour, ne vous plaira sûrement pas. C'est pourtant la vérité. Je pense notamment à deux personnes. L'un.e qui a maintenant grandi, et rencontré le doute sans qu'on l'y oblige, découvrant alors l'insatisfaction. L'autre dont j'ignore encore ce qu'il/elle deviendra.

J'emploie les points inclusifs, dans ce message. Cela peut sembler étrange, puisque je parle de gens dont je connais le genre. Il se trouve juste que je veux entendre mes considérations au-delà de vous et d'eux/elles. Ce n'est pas à vous que je m'adresse, mais à tout le monde, en particulier aux auteur.e.s qui participent à des appels à textes (chez moi ou ailleurs). 

Ce message est rude, mais qu'on n'y lise pas de l'arrogance. Je chouigne pour éduquer les masses (encore un grand mot), en quelque sorte.

En jouant au Shogi, j'ai aussi beaucoup pensé à un éditeur connu depuis longtemps pour ses refus cinglants. Le tout dernier envoi de texte que j'ai fait, c'était chez lui. Juste pour le plaisir de voir comment il me descendrait en flèche. J'ai été déçue. Mon refus était tout mollasson, comparé à d'autres. J'avais eu envie, après ce refus, de lui envoyer une tablette de mon chocolat préféré, et je me demande si cette idée biscornue n'est pas en train de revenir. Cet éditeur a choisi d'assumer la douleur imposée par les refus, et je ne peux pas lui donner tort. De même que je comprends de mieux en mieux pourquoi tant de maisons pratiquent le refus type, voire le refus par non-réponse. 

Et puis, après avoir joué, j'ai ouvert le dossier contenant les textes acceptés et les ai feuilletés rêveusement. Un peu inquiète du temps qu'il va falloir pour corriger et mettre en forme. Après quoi... j'ai laissé glisser la liasse et en la séparant d'autres papiers, ai lu le haut de la première page d'un texte imprimé pour le relire. Un texte à moi, mais que je n'ai pas immédiatement reconnu. Il m'a paru excellent. Bref instant de narcissisme involontaire, qui a éclaté comme une bulle en réalisant. Bizarre, me suis -je dit. Bizarre, bizarre... il y a deux mois, quand j'ai imprimé et cousu ces feuilles, j'ai trouvé mes mots pompeux et presque creux. Du coup, j'ai relu trois pages, et me suis rendue compte que j'avais envie de me remettre au boulot. 

Arrogante ou pas, je m'en fous. Chacun a droit de l'être un peu à ses heures. Médiocre, peut-être bien, mais si j'étais géniale, j'aurais moins de chances de m'améliorer. C'est comme Naruto : il est nul, mais il s'accroche. Un jour, moi aussi, je serai Hokage. Heu... zut... c'est pas western du tout, cette référence. Tant pis, j'assume l'anomalie.

L'arrogance, c'est parfois une armure pour la sensibilité. Les épines du hérisson apeuré. Ce peut aussi être une paire de chaussures à grosse semelle pour marcher longtemps. C'est un peu moche, mais on vit dans un monde où elle trouve sa place dans les placards de tout le monde. 

J'ai perdu un temps fou à rédiger ce message à haut potentiel d'inutilité totale... mais ça aussi, j'assume, et vais donc le poster.

Merci aux auteur.e.s qui savent qu'il faut jouer le jeu. Ceux qui attendent la réponse en se rongeant les ongles et qui, si elle est négative, hochent la tête en se disant qu'ils auront plus de chance la prochaine fois. Ceux qui sont contents d'avoir un avis de lecture pour les aider à améliorer leur travail. 

Crenom d'un chaudron ... pourquoi est-ce que la chanson générique de "le train sifflera trois fois" me vient en tête ? Sûrement parce que j'adore cette musique et qu'elle me hante souvent. Et aussi parce que ce fabuleux "si toi aussi tu m'abandonne", je pourrais l'adresser à ceux qui, pour le moment, croient en High Moon. Ceux qui ont écrit une première fois et le feront encore. 

Il est tard, alors je fais quoi ? Dernière partie de Shogi avant dodo ? Lecture de manga ? Planche à dessin ? Écriture d'un paragraphe sur mon roman ? Revasserie yeux au plafond ?

Demain est un autre jour... et il faudra en consacrer une partie à annoter au moins deux nouvelles. Leurs auteur.e.s ne les corrigeront pas en claquant des doigts, alors je n'ai pas le droit de traîner.

Peut-être qu'un jour je refuserai les textes avec une formule du type "malgré ses indéniables qualités, votre texte n'a pas retenu notre attention"... allez savoir ?

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